Modélisation d’une maquette sur la base de données LiDAR et intégration d’un projet 3D

1. Introduction

Le centre d’équilibre du Valais est connu. Il a été calculé dans les années 2000 par un technicien de la région, avec l’appui de swisstopo. Situé en pleine forêt, proche de St-Luc, ce point est représenté par un totem, orné du drapeau valaisan. L’AVECEV(1) a pour projet la valorisation de ce lieu en construisant une passerelle gravitant autour du centre, avec pour objectifs :

  1. la création d’un point d’observation
  2. un impact minimal sur le paysage
  3. une construction high-tech regroupant le savoir-faire local

Les deux premiers points sont cruciaux pour le projet. Une mauvaise restitution des arbres pourrait se traduire par un échec lors de la construction. Le travail présenté ici va donc se concentrer sur la restitution des arbres, avec pour seule base un relevé LiDAR(2) et de créer toutes les analyses qui permettront de définir si les objectifs sont atteints ou non. Est-il possible de créer un point d’observation, en pleine forêt, avec un impact minimal sur le paysage et les arbres ? C’est à cette question que nous allons essayer de répondre.

2. Restitution des éléments

L’objectif de cette étape est de transmettre à l’architecte les informations nécessaires à l’étude de la passerelle. Le fichier final devra comprendre la position des troncs, la position et l’altitude les cimes, l’emprise des couronnes et une topographie de la zone. Le centre d’équilibre sera également représenté.

L’analyse et le contrôle du LiDAR ont été réalisés en amont. Ses caractéristiques principales sont les suivantes : 

  • densité : ~70 pts au m² 
  • classification : selon le standard ASPRS(3)
  • précision : ~10 cm

2.1 Courbes de niveau

Un MNT(4) a été réalisé avec le logiciel ArcGis, avec l’interpolation IDW (5). Pour limiter le bruit consécutif à la densité de points, il a ensuite été filtré. Les courbes de niveau ont été calculées sur cette base. Afin de diminuer le volume de données, les courbes ont été généralisées via une routine FME.

Cette méthode a été contrôlée en comparant plusieurs altitudes brutes du LiDAR avec les altitudes interpolées, aux mêmes emplacements, sur le MNT filtré. Le résultat (FH moyen de 4cm et un écart type de 5cm) nous démontre que le processus de production n’a pas altéré la précision initiale du nuage de points.

2.2 Segmentation

Le but est de restituer les 3 principaux éléments d’un arbre, à savoir :

  • la cime (point en 3D)
  • le tronc (point en 2D)
  • la couronne (polygone 2D)

Cimes

Cette restitution est réalisée sur la base de codes implémentés dans le programme Octave. Un point du nuage est déterminé comme cime si, dans un rayon défini, aucun autre point ne se situe plus haut. Ce rayon est proportionnel à la hauteur de l’arbre. Cette hauteur est calculée sur la base des modèles numériques, (du terrain, de la canopée et de hauteur) calculés au préalable.

Un algorithme permet ensuite d’attribuer, pour chaque cime, les points du nuage LiDAR lui appartenant. Les 2 résultats obtenus sont un nuage dont les points sont colorisés en fonction de leur appartenance, ainsi que la position 3D des cimes.

Figure 1 : Nuage de points colorisé (sans échelle)

Couronnes

Cette restitution est réalisée grâce à une routine FME, sur la base du nuage de points colorisé lors de la détection des cimes.

Tout d’abord, le nuage est coupé puis filtré selon les couleurs des cimes. Les différents nuages sont ensuite transformés en grilles raster de 50 centimètres. Pour finir, les cellules extérieures de chaque arbre sont reliées entre elles, puis sont lissées par segment d’au maximum 20 centimètres.

Ce processus a pour avantage de restituer des couronnes conformes à leur forme réelle.

Figure 2 : Processus de restitution des couronnes

Troncs

Les codes implémentés dans Octave permettent la restitution des troncs. Ils sont basés sur un principe simple : la densité des points de végétation est plus élevée à l’approche d’un tronc.

Nous obtenons ainsi la position de tous les troncs avec leur hauteur. L’altitude au sol est calculée par interpolation sur le MNT.

2.3 Contrôle de la segmentation

Nous avons procédé à une deuxième détection indépendante : la segmentation manuelle. Cette détection manuelle a été comparée à la méthode automatique.

Si le contrôle des cimes a donné un résultat concluant, l’analyse est plus compliquée pour les troncs. Au regard de la méthode de saisie (LiDAR), il parait évident que certaines informations en sous-bois ont été perdues. Il faudra donc les compléter avec un relevé terrestre.

Les couronnes sont comparées avec un MNC(6). Leurs géométries sont globalement conformes.

3. Analyses

Cette étape comporte trois objectifs distincts : 

  1. analyser l’impact de la passerelle sur les arbres
  2. évaluer la hauteur de la passerelle
  3. évaluer le positionnement de la passerelle par rapport aux différents buts énoncés en introduction

La position et les dimensions de la passerelle sont maintenant connues. Avant de commencer les analyses, nous avons calculé son altitude par interpolation avec le MNT. 

3.1 Analyse de l’impact

Tronc

Cette analyse va permettre de chiffrer le nombre d’arbres impactés (touchés ou abattus) par la construction de la passerelle. Tous les calculs sont réalisés sur Excel.

Tous les troncs se situant dans la zone tampon de 2m autour de la passerelle sont sélectionnés. L’altitude de chaque arbre est soustraite à la hauteur sur sol de la passerelle. La différence entre la hauteur de la passerelle et la hauteur du tronc nous donne la taille de la coupe. Cette taille de coupe peut être mise en relation avec la hauteur du tronc, sous la forme d’un pourcentage. Si le tronc est coupé de plus de 30% de sa hauteur, il est défini comme abattu. 

Couronne

Tous les points situés dans la zone tampon ont été conservés. La même routine que pour la segmentation a été appliquée. Nous obtenons ainsi les couronnes impactées par le projet.

3.2 Evaluation de la hauteur

L’altitude des cimes situées en aval de la passerelle a été comparée à la hauteur de la passerelle. Pour être plus réaliste, nous avons ajouté une hauteur supplémentaire pour trouver une altitude au niveau des yeux d’un promeneur. Toutes les cimes se trouvant plus élevées que le niveau des yeux sont des cimes qui gêneraient la vue, si la passerelle était construite (ci-après : « Cimes critiques »).

Nous avons également pris en compte la croissance des arbres sur 5 ans et refait ces mêmes calculs. Cela permet d’anticiper l’évolution de la végétation depuis la saisie des données (ci-après : « Cimes critiques d’ici à 5 ans »).

3.3 Evaluation du positionnement

Les résultats des analyses sont les suivants :

  • Troncs abattus : 30
  • Couronnes abattues : 17
  • Couronnes modifiées : 23
  • Cimes critiques : 22
  • Cimes critiques d’ici à 5 ans : 9

3.4 Interprétation des analyses

Il est nécessaire de prendre certaines précautions concernant l’interprétation de ces résultats et de prendre en compte la provenance des données ainsi que la méthode employée.

Les cimes sont contrôlées par diverses méthodes. Le résultat peut être considéré comme fiable. Comme le démontre la figure 3, les cimes critiques ne gêneront pas la vue. Le tableau 1 démontre que les cimes critiques d’ici à 5 ans auront peu d’impact sur le panorama.

Figure 3 : Situation des cimes critiques et critiques d’ici à 5 ans
Tableau 1 : Tableau des cimes critiques dans 5 ans (affichées sur la figure 3)

L’interprétation est en revanche plus délicate concernant les troncs. Il faut prendre en compte le taux de restitution des troncs en sous-bois. Ces données seront complétées par un relevé terrestre.

4. Résultats, conclusions et perspectives

La maquette 3D représentant la passerelle dans son environnement a pu être réalisée sur la base des résultats des différentes étapes. Les possibilités d’amélioration sont vastes. Celles-ci seront étudiées à la discrétion de l’association.

Figure 4 : Maquette finale (sans échelle)

Les diverses analyses sont fiables et permettront, une fois les données complétées par un relevé terrestre, une mise à jour rapide des résultats.

En finalité, et pour répondre à la question de l’introduction, les objectifs sont réalisables. Nous ne pourrons pas échapper à l’abattage de certains arbres. Néanmoins, la passerelle a été étudiée pour une intégration maximale au site.

Une visualisation de la maquette 3D est disponible sur le site suivant : www.centre-du-valais.ch

Brunner Julien
Technicien en géomatique avec Brevet Fédéral
Ingénieurs et Géomètres Elzingre SA
Route de Chippis 44
3966 Chalais
julien.brunner@elzingre.ch
027 458 14 50

(1) AVECEV : Association pour la Valorisation et l’Exploitation du Centre d’Équilibre du Valais.

(2) LiDAR : Light Detection And Ranging (technique de mesure à distance fondée sur l’analyse des propriétés d’un faisceau de lumière renvoyé vers son émetteur.

(3) Standard ASPRS (American Society for Photogrammetry and Remote Sensing) : classification standard d’un nuage de point LiDAR.

(4) MNT : Modèle Numérique du Terrain.

(5) IDW : Interpolation de pondération par l’inverse de la distance. Elle détermine la valeur des cellules via la combinaison pondérée de manière linéaire d’un ensemble de points.

(6) MNC : Modèle Numérique de la Canopée.